
L'EUROPE : UN ACCÉLÉRATEUR D'INNOVATION PARTAGÉE INTERVIEW AVEC SERVAN LACIRE
Directeur R&D et Innovation chez Bouygues Energies & Services
Comment les projets européens contribuent à votre stratégie d’innovation ?
Les projets européens sont des accélérateurs de co-innovation. Ils incitent des grands groupes, des PME, et divers acteurs qui n’auraient pas spontanément travaillé ensemble à construire conjointement un projet avec une contrainte de temps forte qui cristallise les “bonnes volontés”.
Par nature, ils offrent une dimension immédiatement internationale aux projets, avec des partenaires et des sites de test qui permettent d’adresser un marché européen “10 fois supérieur” à celui permis par les projets nationaux.
Quels sont vos sujets prioritaires d’engagements au niveau européen ?
Deux priorités : l’énergie et la mobilité. Pour l’énergie, nous abordons en premier lieu le stockage de l’électricité, les réseaux intelligents, les projets de smart grid au niveau des quartiers. Avec Bouygues Construction nous nous engageons sur des problématiques d’intégration de la production d’énergies renouvelables au sein des bâtiments. Sur la mobilité, nous sommes notamment impliqués sur des projets touchant aux infrastructures de recharge de véhicules électriques (IRVE) et sur le stockage de l’énergie à partir de batteries de ces mêmes véhicules électriques.
Comment définissez-vous la R&D et l’innovation ?
La R&D a pour objectif d’inventer de nouveaux “systèmes”, de nouveaux “procédés” ou de nouveaux produits et services pour lesquels nous avons au départ une incertitude de fond. Cette incertitude est technique, organisationnelle ou comportementale, mais elle est structurante de la démarche. Autre définition, c’est ce qui est éligible au crédit impôt recherche… Quant à l’innovation, ce n’est pas l’incertitude qui est questionnée, mais le comment. Pour un nouveau procédé, ou un projet de produit, nous allons tester et évaluer son impact sur notre business, définir ensuite comment le généraliser. On questionne les processus métiers, les évolutions d’organisation en gardant un cap, un objectif opérationnel, des KPI cibles.
Les projets européens sont des accélérateurs de co-innovation. Ils incitent des grands groupes, des PME, et divers acteurs qui n’auraient pas spontanément travaillé ensemble à construire conjointement un projet avec une contrainte de temps forte qui cristallise les “bonnes volontés”.
Si R&D égale “incertitude”, faut-il comprendre qu’elle n’a pas de KPI ?
Son KPI c’est la levée de l’incertitude, qui n’est pas que technique. La R&D embarque la technologie, la sociologie, l’étude des comportements et des usages. Nos approches sont très inclusives : nous embarquons dans nos projets des ingénieurs, mais aussi des sociologues, des associations, le monde de l’enseignement, nos clients et les clients de nos clients !
Quelles sont vos thèmes prioritaires d’innovation et de R&D en 2018 ?
Le technicien “augmenté” et “connecté” pour accroître sa sécurité tout d’abord, et également pour augmenter sa performance, en lui apportant par exemple la possibilité d’accéder à de la documentation ou à un support de second niveau. La démarche s’effectue en faisant collaborer les techniciens et les compagnons eux-mêmes qui connaissent leurs gestes techniques et leur environnement de travail et avec des experts de la technologie qui apportent leur expertise. La performance énergétique des bâtiments qui reste un sujet important. Pour aller plus loin il faut que les utilisateurs soient acteurs de cette performance. Soit l’intelligence artificielle (IA) décide pour l’utilisateur, soit l’utilisateur sait comment agir parce qu’il est bien informé.
C’est une clé du facility management de demain. Les mobilités : quelles infrastructures, quels services dans le tertiaire permettront de lever les freins aux usages et à l’adoption des nouveaux véhicules électriques, mais aussi quelles nouvelles offres allons-nous pouvoir développer autour de la mobilité, que ce soit pour les collectivités locales ou pour nos clients privés. L’énergie au niveau des quartiers : stockage, smart grid, etc. Les capacités de production d’énergie en proximité sont disponibles. Les acteurs économiques et le grand public sont séduits par cette logique de “circuit court”, mais comment s’assurer que les réseaux seront en capacité d’accueillir ces pics de production et de consommation ? Beaucoup de transformations ont lieu en Europe sur ces sujets.
Les interfaces utilisateurs : IA, chatbots. Notre métier évolue et la clé de notre business de demain est de nous appuyer sur la technologie pour faciliter la vie de nos clients et des clients de nos clients. Nous mobilisons l’intelligence artificielle, les chatbots, l’analyse prédictive, des équipements connectés. Ces technologies impactent le facility management ou les solutions de mobilité de demain. Enfin, la qualité de vie, le bien-être seront au cœur des politiques publiques. Nous contribuons à développer des méthodes pour les mesurer mais aussi pour proposer des solutions qui adresseront ces problématiques. Nous avons plusieurs projets en cours dans ce domaine, en particulier sur les DIVD* Eurêka Confluence et Descartes 21. D'autres projets devraient démarrer cette année.
* DIVD : Démonstrateur Industriel pour la Ville Durable
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