
Interview Carolle FOISSAUD
Directrice générale du Pôle Energie et Industrie chez Bouygues Energies & Services
Parcours d’une femme dans le domaine de l’industrie et des énergies : entre challenge et aventure humaine
Dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, nos regards se sont tournés vers Carolle FOISSAUD, femme dirigeante au sein de Bouygues Energies & Services, en qualité de Directrice Générale du Pôle Energie et Industrie, une activité internationale composée de plus de
2 000 collaborateurs. A 54 ans, Carolle nous raconte son parcours professionnel et nous livre quelques traits de sa personnalité.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours en quelques mots ?
J’ai 54 ans et j’ai un parcours d’ingénieur (Ecole Polytechnique X86, Telecom Paris 91). A la sortie de mes études, j’ai intégré l’entreprise Thales sur un poste d’ingénieur d’études système pour un des équipements de l’avion Rafale, puis j’ai pris quelques années plus tard un poste d’ingénieur d’études chez AREVA NP (Framatome) et j’ai grandi ensuite dans le groupe AREVA jusqu’au poste de PDG de TechnicAtome, une société spécialisée dans les réacteurs nucléaires de propulsion navale, les chaufferies nucléaires de sous-marins et du porte-avion français... Bref, j’ai grandi dans environnement industriel et nucléaire en grande partie, et disons-le, plutôt masculin.
Et puis je suis repassée du nucléaire à l’industrie. J’ai rejoint Bouygues Energies & Services en septembre 2017 pour occuper le poste de Directrice Générale du pôle Energie et Industrie regroupant plus de 2 000 collaborateurs. Un domaine d’activité passionnant parce qu’on y retrouve les énergies décarbonées à travers les fermes photovoltaïques notamment, et l’industrie pure avec de beaux challenges sur l’industrie 4.0 et des marchés « booming » comme les datas centers… bref de beaux défis, avec une dimension internationale et un périmètre à 600M€ environ.
Donc en résumé, c’est un parcours d’ingénieur, de manager de business en environnement complexe dans le domaine de l’énergie et de l’industrie.
Pourquoi avez-vous choisi d'étudier et de travailler dans l'industrie ? Et quels conseils donneriez-vous à une femme ?
J’ai toujours été impressionnée par les grands équipements industriels, la haute technicité et la complexité de la mise en œuvre et les processus que cela implique. Avec des hommes et des femmes passionnés par leur travail, par les produits qu’ils réalisent. J’avoue que voir un sous-marin nucléaire, ce concentré de technologie, sur ses marcheurs avant sa mise à l’eau, c’est beau et c’est même émouvant.
Dans ces activités, je crois pouvoir dire qu’être une femme n’a jamais été un obstacle. Pour moi, tout passe par le respect. Homme ou femme, ouvrier ou dirigeant, ce qui compte c’est de respecter les compétences de chacun et de les laisser s’exprimer, car chacun apporte sa pierre à l’édifice dans l’entreprise.
Si je devais donner un conseil aux femmes plus spécifiquement et les encourager à occuper un poste à responsabilité, je leur dirais « Ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on réussit moins bien dans ces postes-là, dans ces activités-là, l’essentiel c’est d’y croire et d’avoir l’envie ! On est capable de réussir autant qu’un homme dès lors qu’on a les compétences ».
Qu'est-ce que vous aimez le plus dans votre travail ?
Le challenge, mais derrière cette notion de challenge, ce que j’aime le plus c’est l’aventure humaine : avoir un cap, expliquer le sens de ce qu’on fait, donner envie aux autres d’atteindre ce cap et surtout y aller ensemble et réussir ensemble.
Aujourd’hui, notre activité est au cœur des enjeux du moment que ce soit dans les énergies décarbonées, les énergies vertes (hydrogène, photovoltaïque…) ou dans l’industrie, avec nos solutions industrie 4.0 vers plus d’automatisation, de décarbonation et de digitalisation des usines de nos clients. Donner du sens à ce que l’on fait, cela passe aussi par être au fait de l’actualité et ne pas aller à contre-courant. C’est ainsi que l’on embarque les troupes.
Quels enseignements et conseils voulez-vous partager avec toutes celles qui ont envie de porter des projets ambitieux ?
Je dirais que le principal facteur de réussite c’est avant tout un équilibre familial stable ou encore un environnement extraprofessionnel équilibrant, sans, c’est plus compliqué de réussir. Il faut aussi avoir du courage, de l’envie et bien s’entourer, car tout seul on ne peut rien faire. Bien s’entourer, cela veut dire bien choisir son équipe et que chacun trouve sa place, pour que la team progresse dans l’aventure que l’on propose. Bref il faut savoir jongler entre le collectif et l’individuel.
Mon conseil aux autres femmes de ce secteur : se faire confiance et aller de l’avant, suivez toujours vos envies, quitte parfois à aller vers l’inconnu, ayez confiance en vous.
Quelle est votre plus grande réussite ?
Une de mes plus grandes réussites a été d’arriver à redresser une situation avec un collectif dans lequel les personnes en sont ressorties plus fortes. C’est une belle victoire. Une autre aujourd’hui, au sein de notre pôle Energie et Industrie, concerne le développement : nous réunissons nos forces, nos compétences anglaises et françaises en Data centres, nous nous sommes structurés en interne, pour aller chercher de nouveaux marchés en Europe (Allemagne et Suisse en particulier) et nous développer à plus long terme à l’international. Alors, certes nous n’avons pas encore transformé l’essai, mais j’ai la conviction que nous nous y prenons bien pour que cela devienne un vrai succès.
Quel est votre femme leader préférée ?
J’ai en tête 3 femmes icônes qui m’inspirent pour leur charisme et les valeurs qu’elles incarnent. La première, c’est Christine LAGARDE : c’est une femme que j’adore pour son charisme, son aura, et pour son élégance en plus d’être très pertinente et intelligente dans ses propos. Elle occupe un poste hyper important et stratégique. J’ai assisté en 2010 à une de ses interventions au « Women's Forum», la grande classe… elle m’inspire.
La deuxième c’est Christine ARRON, l’athlète française championne d’Europe du 4×100 mètres et détentrice depuis 1998 du record, championne d’Europe du 4×100 mètres la même année, et championne du monde du 4×100 mètres en 2003. J’ai eu l’occasion de la rencontrer dans un meeting Areva. Ce qui me plaît chez elle, c’est la performance, l’élégance, la fluidité. C’est la femme qui court le plus vite au monde départ lancé… Quand on la voit courir on croit que c’est simple, tellement c’est fluide et pourtant il y a énormément de travail derrière ! Et quand on la voit au championnat d'Europe d'athlétisme 1998, sur l’épreuve du relai 4×100 mètres, et qu’elle se lance dans une dernière ligne droite légendaire lui permettant de combler plus de 5 mètres de retard de sa concurrente Russe et de gagner, c’est spectaculaire, et c’est juste beau !
Enfin, la dernière icône à qui je dois beaucoup, c’est ma grand-mère, pour son côté humain, sa générosité, son dévouement.
Quelle est votre devise ?
« On ne lâche rien ! », c’est ma devise. C’est vrai que c’est un peu mon leitmotiv. Quand on occupe des postes de dirigeant, il faut avoir une certaine ténacité et une grande résilience pour garder le cap. La réussite repose sur le mental et l’état d’esprit, bref des qualités qui s’apparentent à l’univers du sport… Dans le milieu sportif ou professionnel, elle a tout son sens !
Qu'est-ce que vous avez vu récemment qui vous a fait sourire ?
Le personnage Arsène Lupin interprété par Omar Sy m’a particulièrement fait sourire ! C’est à la fois drôle et subtil. Il y un côté impertinent que j’affectionne et en même temps beaucoup de profondeur. Ce qui me plaît c’est qu’il se bat pour l’injustice, un autre sujet qui me tient à cœur ; et il le fait avec tact et stratégie.
Qu'est-ce qui vous donne de l'énergie en dehors du travail ?
Mes enfants, j’en ai deux qui ont entre 20 et 30 ans. Ils sont plein d’énergie, de vie et d’envie… avec 20 idées à la minute, le ressourcement est garanti ! Et en plus ils sont proactifs dans les enjeux climatiques, ce qui me challenge sans cesse dans mon quotidien et m’amène à revoir mon mode de vie pour l’avenir de la planète, pour leur avenir.
Qu’est-ce que vous évoque la journée des droits des femmes ?
Qui dit journée des droits des femmes, dit mixité…Il y a 15 ans, Anne LAUVERGEON, avait mis en place chez Areva un système de quota pour assurer un meilleur équilibre homme femme. Je pense que malheureusement, nous - et je parle au nom des femmes et des hommes - sommes peut-être obligés de passer par des quotas pour faire bouger les lignes, mais la réussite nous l’aurons quand nous ne serons plus contraints par ces quotas et que la mixité se fera naturellement dans les CODIR ou dans les organisations professionnelles.