
LUMIÈRE ET SON : COMMENT MESURER L'AMBIANCE DANS LA VILLE ?
Le projet Descartes 21 est un des lauréats de l’Appel à Manifestation d’Intérêts (AMI). Cet AMI, lancé par l’État, encourage l’émergence de projets urbains innovants, ayant vocation à devenir des vitrines de la ville durable. Pour ce projet, se sont associés la ville de Champs-sur-Marne, l’agglomération Paris-Vallée de la Marne, épaMARNE, Linkcity Île-de-France, Bouygues Energies & Services, la RATP, EMBIX, ENEDIS et Idex.
Descartes 21 a pour objet d’étudier des innovations et de les expérimenter dans trois domaines : la transition énergétique, la mobilité durable et le mieux vivre en ville. Prêtant une attention particulière à la qualité de vie et au lien social dans la conception de la ville. Nous avons fait participer à cette réflexion les acteurs académiques, les élus locaux, les incubateurs, les étudiants et les doctorants du campus Descartes.
Le résultat cartographique
L’étude de R&D concerne l’élaboration d’un “diagnostic intelligent et partagé” du territoire à partir d’une innovation sans équivalent : un diagnostic de l’ambiance à la fois sonore et lumineuse à partir d’un protocole de mesure reproductible sur d’autres territoires. Le protocole que nous avons développé lie la captation via un dispositif mobile et la représentation des données dans un portail SIG (Système d’Information Géographique) avec l’expertise des professionnels du son et de la lumière pour apporter un diagnostic poussé des ambiances sonore et lumineuse d’un territoire.
Comment appréhender l'éclairage public ?
Pour évaluer l’éclairage public, il faut collecter un certain nombre de données objectives :
- Les niveaux lumineux (en lux) par espace (rue, boulevard, place, trottoir, square)
- Les températures de couleur
- La luminance
- La source d’éclairage employée et l’uniformité.
Avec la méthodologie développée, il est possible d’avoir sur un portail SIG les résultats des données captées de manière simple et intuitive. L’utilisation de technologies de géolocalisation précise (centimétrique), ainsi que l’augmentation des fréquences de mesures des luxmètres permet une représentation de la photométrie alternant zones sombres et taches de lumière. Notre œil perçoit d’autres informations qui lui permettent de qualifier la lumière, comme sa couleur (jaune, blanc, bleu), ou bien sa température de couleur (blanc chaud, blanc froid). Le caractère innovant du dispositif vient du fait qu’il est mobile et facilement adaptable à divers moyens de transport (voitures, vélos). Ceci permet de capter une grande diversité de données dans des temps plus courts que via les moyens classiques.
Et pour le son ?
Pour le son, nous utilisons deux approches différentes. D’une part une approche qualitative, qui met au centre l’individu et sa perception. D’autre part les diagnostics de bruits purement acoustiques et métrologiques. Des cartographies sont ensuite réalisées, reflétant la qualité sonore à partir d’une synthèse de travaux pluridisciplinaires (psychologie, sociologie, psychoacoustique). Actuellement, il n’existe aucune réglementation française ou européenne qui traite la notion de “l’environnement sonore” dans son ensemble. En France, il existe juste une notion de bruit de voisinage, qui englobe toutes les gênes provoquées par le bruit. Il existe de nombreuses cartographies des niveaux de bruit, mais qui ne prennent pas en compte les aspects qualitatifs de l’environnement sonore.
L'aspect innovant du protocole est la méthode proposée pour mesurer le "son" et la "lumière" via un même dispositif mobile et d'intégrer ces données dans un portail de données cartographiques.
Techniquement, comment ça marche ?
Nous avons développé avec l’ESIGELEC une solution qui permet de capter, de traiter et de visualiser la donnée dans des cartes : GetYourSpace. Cette solution est composée d’un dispositif mobile de captation de données qui concernent l’éclairage public (luminance, colorimétrie) et l’environnement urbain en général (température extérieure, sons, flux, vidéos, scan lasers, bain électromagnétique, etc.). Après traitement, la visualisation cartographique de la lumière est réalisée sous forme de “taches”. La couleur ou la forme des “taches” évoquent une notion qualitative sensorielle : rassurant/inquiétant, chaleureux/froid, doux/ agressif, homogène/discontinu, éblouissant ou peu contrasté. Pour le “son” deux types de critères ont été retenus : des critères “mesurés” ou “calculés” sur la base de la donnée captée et des critères “qualitatifs”, visant à refléter le “son perçu”.
Critères qualitatifs pour le son
Pour la première fois des critères qualitatifs ont été définis pour décrire l’ambiance sonore :
Le trafic
Ce critère traduit la présence de sons liés aux infrastructures. Il s’agit principalement du trafic lié au transport (routier, aérien, ferré, etc.), mais également de souffleries, de moteurs, d’avertisseurs divers… Ce critère révèle la présence de sources sonores, mais également les facteurs de propagation : type de revêtement de sol, architecture, etc.
La voix
Présence de voix humaine. À elle seule, la voix a un fort impact sur la perception d’un espace sonore.
L’activité
Présence d’une activité humaine : commerces, restaurants, lieux culturels, artisanats, lieux publics actifs.
L’espace
Ce critère détermine si l’espace sonore est fermé (presque rien n’est “perçu”) ou étendu (nous percevons une perspective auditive, des sons lointains ou plusieurs plans d’écoute). La perception de l’espace sonore peut découler de l’architecture du lieu, mais également de la nature des sons présents dans l’environnement sonore, certains pouvant “boucher” l’horizon et d’autres, au contraire, révéler l’espace. C’est la première fois qu’une méthodologie est proposée pour cartographier le “son” avec une visualisation de critères qualitatifs qui font ressortir les sons “perçus” par l’oreille sur un espace.

TOUT SAVOIR !
La couleur de la lumière artificielle a une action directe sur la sensation de confort de l’ambiance lumineuse d’un espace. Elle n’influence cependant pas les performances visuelles. Pour la qualifier, on définit la température de couleur (exprimée en kelvins (K)). On parlera généralement de teinte chaude (température de couleur < 3000 K) ou froide (température de couleur > 3 000 K).
Plus une couleur est chaude visuellement, plus sa température thermique (en degré kelvin) est donc faible. La luminance est une grandeur correspondant à la sensation visuelle de luminosité d’une surface.
Une surface très lumineuse présente une forte luminance, tandis qu’une surface parfaitement noire a une luminance nulle.
Remerciements
Cette étude a été menée par les équipes de Bouygues Energies & Services avec l’ensemble des partenaires contributeurs suivant :
Expertise “Lumière” : Fanny Guerard, urbaniste et conceptrice lumière, à l’agence Concepto, Expertise “Son” : l’agence LD Sonore. Avec Alain Richon, designer sonore, Nathan Belval, concepteur sonore et doctorant Lab’Urba, Simon Cacheux, designer sonore. Les étudiants de l’Ecole d’Urbanisme de Paris en Master 2 Alternatives Urbaines, Démarches Expérimentales - Espaces Publics (AUDE-EP). L’Atelier des sons et lumières, composé par : Youssef Akkif, Felix Chantebel, Juliane Hosxe, Fanny Lefebvre, Alicia Lugan, Marie Mosquet, Stella Muci, Guillaume Normand, Nicolas Phan Van Phi, Miora Raomiala.